Au Caire, les manifestants se sont principalement rassemblés dans le quartier d’Abbassiya, à proximité du ministère, malgré les mises en garde de l’armée la veille contre toute menace des bâtiments militaires et l’important déploiement des forces de l’ordre.

Le bilan général est particulièrement lourd dans les rangs des manifestants. Pour les professionnels de l’information, il l’est tout autant.
Reporters sans frontières a recensé au moins 32 agressions et interpellations de journalistes rien que pour la journée du 4 mai au Caire. La police militaire a confisqué de nombreux appareils photo, téléphones portables. Certains n’ont toujours pas été retournés à leurs propriétaires. (Lire : http://almesryoon.com/…)

L’organisation condamne avec force l’ensemble l’ensemble de ces exactions contre les professionnels de l’information et demande à ce que les responsables soient identifiés et traduits en justice. Le Conseil suprême des forces armées, nouvel entrant dans la liste des prédateurs de la liberté d’informer publiée le 3 mai dernier à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, mérite tristement ce rang.

Bilan du 4 mai 2012 :
Au moins 32 journalistes visés.
Parmi lesquels, au moins :

* 20 agressés, frappés

* 11 blessés,

* 19 interpellés,

* 5 détenus,

* 1 enlevé

* 7 cas de matériel confisqué

**Détail des cas** :

Une équipe de cinq membres de la chaîne satellitaire Misr 25 (Ahmed Abdel Alim, correspondant ; Ahmed Fadl, correspondant ; Musa’ab Hamed, correspondant ; Hassan Khodary, correspondant, blessé le matin dans les affrontements à Abbassiya, et Ahmad Lutfi, photographe), faisant alors un direct près de la mosquée Al-Nour, ont été arrêtés et conduits à l’intérieur de la mosquée pour indentification. D’après Ahmad Lutfi, tous ont été victimes de violence et d’humiliation de la part de la police militaire. Après avoir confisqué l’ensemble de leur équipement professionnel, l’armée les a transférés à l’unité de contrôle militaire n°28.
Musa’ad El-Barbari, directeur adjoint de la chaîne Misr 25, a indiqué que cinq chefs d’accusation avaient été retenus contre les cinq hommes, présentés le 5 mai devant le procureur militaire :

* Association avec un groupe dans l’intention de perturber la sécurité publique et empêcher une des institutions de l’État de remplir ses fonctions ;

* Usage de la force et de la violence contre des agents des forces de l’ordre en charge de protéger les institutions étatiques ;

* Blocage des moyens de transport publics et privés, blocage de routes dans le quartier du ministère de la Défense ;

* Rassemblement illégal ;

* Présence dans une zone militaire, interdite d’accès ;

Alors que la chaîne avait présenté des documents prouvant la qualité de journalistes et membres de la chaîne des cinq personnes, montrant qu’ils étaient là dans cadre purement professionnel, El-Barbari a souligné que le procureur n’avait pas tenu compte de ces documents. Si le procureur militaire a ordonné la libération de trois des cinq membres de l’équipe, Ahmed Abdel Alim et Ahmed Fadl ont vu leur détention prolongée pour quinze jours supplémentaires pour des raisons de l’enquête. Ils ont été transférés à la prison de Tora (sud de la capitale), puis libérés le 6 mai dans la matinée (Lire : http://al-mashhad.com/…).
Deux autres journalistes de la même chaîne ont également été interpellés, à proximité, mais lors d’un incident séparé : Mohamed Rabie et Mohamed Amin (cf : http://www.youtube.com/watch?v=keOFdkOXOKc). Présentés devant le procureur militaire le lendemain, ils ont été libérés.
Deux journalistes du journal en ligne El-Badil, Ahmed Ramadan et Islam Abu-l-Ezz, ont été agressés par des nervis qui les ont livrés à la police militaire. Transférés dans les locaux du parquet militaire. Le procureur a requis quinze jours de détention supplémentaires contre eux, avant de demander leur transfert à la prison de Tora. Ils ont été, malgré tout, libérés le 6 mai dans l’après-midi. D’après les informations publiées sur le site El-Badil, ils auraient été sévèrement battus par plusieurs officiers de la police militaire lors de leur arrestation, mais également de leur détention à la prison de Tora. Ils souffrent de nombreuses commotions.
Abdul Rahman Musharraf, journaliste pour le quotidien Al-Watan, a quant à lui été frappé par des agents de la police militaire avant d’être arrêté, et transféré dans les locaux du parquet militaire avec Ahmed Ramadan et Islam Abu-l-Ezz. Il n’a été relâché que le 6 mai dans la matinée.
Le 4 mai toujours, le photographe Mahmoud Motawe’, du journal en ligne Sada-el-Balad, a été blessé au dos par des tirs de balles, dont on ignore la provenance. Le journaliste a été transféré à l’hôpital de Qasr Al-‘Aini. Il a pu sortir le lendemain.
Abdul-Rahman Youssef, contributeur du site d’informations sur les droits de l’homme, hoqook.com, prenait des photos des affrontements devant le ministère de la Défense quand il a été violemment attaqué par un nervi armé d’un couteau, qui l’a grièvement blessé à l’oreille. Bloqué avec les manifestants dans la zone d’Al-Demerdash, encerclée par les forces de l’ordre qui n’hésitaient pas à arrêter les personnes -notamment les blessés- qui essayaient de quitter la zone, le journaliste n’a pu quitter les lieux qu’une heure après son agression. Il a alors été interpellé par la police militaire. Transféré dans les locaux du parquet militaire, il a été présenté devant le procureur militaire. Il a été relâché le lendemain en fin d’après-midi.
Deux photojournalistes du journal indépendant Al-Masry Al-Youm, Mohamed El-Shami et Ali El-Malki, ont été blessés après avoir été frappés, alors qu’ils prenaient des photos des affrontements. Arrêtés, ils ont été transférés dans les locaux du parquet militaire (est du Caire) avant d’être présentés devant le procureur militaire. Ils ont été relâchés le lendemain en fin d’après-midi.
Trois journalistes du quotidien Al-Watan, Mohamed Kamel, Ahmed Abdu et Ahmed Bahnasi, ont été ‘asphyxiés’ par des tirs de grenades de gaz lacrymogène par la police militaire, alors qu’ils étaient devant le ministère de la Défense. Tous les trois ont dû être transférés à l’hôpital de Demerdash, ainsi que leur collègue, Mohamed Omar, photographe du journal, qui a été blessé au crâne après avoir été la cible de jets de pierres. Il a reçu trois points de suture. Mohamed Kamel avait été agressé, la veille, par des manifestants. Arrêtés par la police militaire, ils ont été transférés dans les locaux du parquet militaire (est du Caire) avant d’être présentés devant le procureur militaire. Ils ont été relâchés le lendemain en fin d’après-midi.
Rabab Fares et Ezz El-Nubi, respectivement reporters pour les quotidiens indépendants Al-Tahrir et Youm7, ont également été attaqués.
Les équipes des chaînes satellitaires ont également été prises à partie : Al-Jazeera Mubasher-Misr, ONTV, El-Tahrir et CBC ont été attaquées par la police militaire ; les ‘voyous’ ont cassé leurs caméras et ordinateurs portables.
Amer Khamis, journaliste pour le journal en ligne Al-Mesryoon, a été attaqué.
Une journaliste du journal en ligne Misr El-Naharda, Aya Seyed Mahmoud Abdul-Rahim, a été agressée et arrêtée, avant d’être transférée devant le procureur militaire. Ce dernier a ordonné son placement en détention pour quinze jours. Alors qu’elle était transférée à la prison pour femmes d’El-Qanater, le Général El-Adawy, chef de la justice militaire, a ordonné sa libération.
Les journalistes Sami Abdul Rahman et Islam Adel du journal en ligne Sada-el-Balad, ont été arrêtés par la police militaire et détenus dans la mosquée Al-Nour, à proximité de la place Abbasiya, avant d’être présentés devant le procureur militaire le lendemain. Ils ont été relâchés dans l’après-midi.
Sharif Salah, photojournaliste pour l’hebdomadaire indépendant Al-Mashhad, a vu son appareil photo confisqué par la police militaire et menacé d’être arrêté s’il ne quittait pas les lieux. Il n’a pas pu récupérer son matériel professionnel jusqu’à présent.
Virginie Nguyen, photographe belge travaillant pour Egypt Independent (version en ligne en langue anglaise du journal Al-Masry Al-Youm), a eu la mâchoire supérieure fracturée et deux dents déplacées après avoir reçu une pierre en place visage, lancée par des manifestants. Après avoir été blessée à la mâchoire et à la lèvre supérieures, la photographe a été transférée à l’hôpital pour y recevoir des soins. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter les lieux, elle a été interpellée par la police militaire, qui l’a transférée d’hôpital militaire en hôpital militaire, avant de la conduire pour interrogatoire dans un bâtiment de l’armée. Son matériel professionnel lui a été restitué “après que les photos gênantes qui les gênaient” ont été effacées. Elle a été opérée le 5 mai à l’hôpital américain d’une fracture à la mâchoire supérieure. Contactée par Reporters sans frontières, la journaliste a indiqué que l’incident avait duré au total près de cinq heures.
Tôt dans la matinée du 4 mai, Walid El-Daramalli, reporter pour l’hebdomadaire indépendant Al-Karamah, a été ‘enlevé’ par des inconnus alors qu’il couvrait les affrontements à Abbasiya. Conduit dans un bâtiment à proximité de la place, il est parvenu à contacter des amis qui sont parvenus à le libérer. Il a été blessé à la jambe. Les agresseurs ont été arrêtés par la police militaire.

**A Suez**

Alors qu’il prenait des photos des affrontements entre les manifestants et l’armée chargée de protéger le siège du gouvernorat de Suez ainsi que la direction de la Sécurité, un photographe du bureau de Suez du journal Al-Masry Al-Youm, Sayyed Shaker, a été frappé par deux officiers de l’armée (gifles et coups de pieds) parce qu’il avait refusé de leur remettre son appareil photo. Arrêté, il a été présenté au gouverneur militaire de Suez, qui a ordonné de le relâcher après que l’ensemble des photos prises aient été effacées.
Le 5 mai, la police militaire a agressé et arrêté Ahmed Ghoneim, reporter pour le quotidien Al-Watan, alors qu’il couvrait une manifestation d’activistes politiques devant les bâtiments du procureur militaire pour condamner les arrestations de centaines de manifestants, tous civils. Il a à son tour été présenté devant le procureur milite. Son collègue photographe, Mahmoud El-Debies, a vu son appareil photo confisqué. Il a été interpellé pendant deux heures. En début de soirée, les deux journalistes ont été relâchés, les cartes mémoire de leur appareil photo vidées.
Entre les 16 décembre et 18 décembre 2011, une répression aveugle s’était abattue contre les manifestants de la place Tahrir. Reporters sans frontières avait dénoncée “une campagne de violences systématiques perpétrées par les militaires contre les professionnels de la presse”. Auparavant, l’organisation avait recensé par moins de 44 cas de violations de la liberté de la presse dans les affrontements opposant armée et manifestants dans la semaine du 19 au 28 novembre 2011.