L’importance des moyens de communication communautaires pour contrer certains stéréotypes dont souffrent les ethnies indigènes et défendre leurs droits fut mise en avant à l’occasion de la Journée Internationale des Peuples Autochtones le jeudi 9.

 

Par Isabelle de Grave

 

Le thème de cette année,  “Moyens de communication indigènes : responsabiliser les voix des autochtones”, est encadré par la seconde décennie internationale des Populations Autochtones du Monde (2005-2015), dédiée à l’action et à la dignité.

La conférence qui se tenait le jeudi 9 août au siège New-Yorkais de l’Organisation des Nations Unies (ONU) proposait de souligner l’importance des médias indigènes pour la lutte contre les stéréotypes, la projection de leur identité, la communication avec le monde qui les entoure et leur capacité à influencer l’ordre politique et social.

Percussions, danse, ivresse et mort 
Les peuples autochtones sont depuis longtemps affligés de représentations stéréotypées. On a l’habitude de les voir présenter comme un groupe homogène enraciné dans le passé et incapable d’en changer, on passe outre leurs droits afin que fonctionnent les politiques d’Etat.

Duncan McCue, journaliste de Radio Canada (CBC) depuis 1998, se montre désireux de faire que les grands médias comprennent l’importance de tenir compte des stéréotypes sur les peuples autochtones.

Dans le cadre de son travail comme professeur adjoint de la faculté de journalisme de l’université de la province de Colombie-Britannique, il créa l’an passé un cours d’information sur les communautés autochtones, ainsi qu’un site Internet, riic.ca, pour promouvoir une couverture juste des questions indigènes.

“Un ancien me dit un jour que l’unique manière pour que l’on parle d’un indigène aux informations est qu’il ou elle soit concerné(e) par un des quatre D : ‘drumming, dancing, drunk or dead’” (percussions, danse, ivresse ou mort, en anglais), écrit ainsi sur le site Internet le journaliste McCue, membre des Chippewas de la province canadienne d’Ontario, une des communautés aborigènes les plus grandes d’Amérique du Nord.

“Les peuples aborigènes sont mal représentés aux informations. Lorsqu’ils apparaissent, ils sont souvent victimes, guerriers ou manifestants », dit McCue à IPS.

La dernière image de ces « peuples non contactés » en Amazonie péruvienne prouve la tendance des grands médias au sensationnalisme et au spectaculaire lorsqu’ils abordent les questions indigènes aux informations.

Sheila Aikman, spécialiste en éducation et développement de l’université britannique East Anglia, soutient, devant ce cas, que « les médias locaux se concentrent sur ce qu’ils considèrent comme étant important ou qui attire l’attention, au moins en terme d’impact visuel et de note sensationnelle. »

Ils s’attardent « sur la confirmation de l’existence de ‘peuples non contactés’, personnes vivant à moitié nue, le visage paint de rouge, tirant des flèches contre les avions », commente Aikman à IPS.

Des images exotiques accompagnent les articles sur les difficultés que vit le peuple Mashco-Piro, vivant dans la région péruvienne de l’Alto Pus. Mais pour Aikman, spécialisée dans l’éducation inter-culturelle et les mouvements indigènes, la couverture médiatique « se concentre sur les stéréotypes les plus basiques. »

Recours pour les journalistes affairés

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, appela les « Etats-Membres et les grands médias à créer et maintenir des opportunités pour que les peuples autochtones puissent articuler leurs futurs, leurs priorités et leurs aspirations”.

McCue considère que les initiatives telles que le site riic, ouvert à tous les journalistes du monde, est un point de départ pour améliorer la couverture médiatique. Le travail d’amélioration de la couverture d’un secteur dépend du marché, est limité par le temps et les ressources, et subit une pression constante d’écrire des informations qui se vendent. C’est une difficulté considérable. Mais McCue se montre très optimiste : « Je suis convaincu que la formation des journalistes participera à l’amélioration de la couverture sur les questions indigènes. »

“Le site Internet est écrit pour des journalistes, par un journaliste et dans la perspective des difficultés quotidiennes rencontrées lorsqu’on informe. Mais nous pouvons adapter nos pratiques et nos points de vue pour que les indigènes sur lesquels nous informons soient à l’aise, ce qui ne fera rien de plus qu’améliorer la qualité de nos articles, » dit-il à IPS.

De plus, c’est un défi de maintenir l’initiative riic, créée avec très peu de ressources et avec le soutien deKnight Fellowships, de l’université nord-américaine de Stanford, et de diverses communautés aborigènes.

 

Donner de la voix à la perspective indigène

En plus d’améliorer la couverture journalistique, McCue signale la nécessité d’une plus grande variété d’emplois pour les indigènes du Canada.

“La situation s’est améliorée. Il y a plus de jeunes journalistes aborigènes que lorsque j’ai commencé il y a 14 ans. Mais nous sommes tout de même sous-représentés », indique-t-il.

De plus, « les facultés de journalisme au Canada n’ont pas suffisamment encourager les étudiants indigènes à se consacrer à cette profession », note-t-il.

Il y a des options telles que le réseau de télévision des peuples autochtones (ATP, d’après son sigle en anglais), lancé en 1999, la première dans le monde qui offre une plate-forme pour que les peuples autochtones, Inuit et métis, puissent partager leur histoire.

 

Etant consulté sur le rôle des médias dans la lutte pour l’autodétermination des peuples autochtones, McCue dit à IPS, « Au bout du compte, en tant qu’indigènes, il nous revient d’honorer nos ancêtres et leurs enseignements, en vivant et respirant l’autodétermination tous les jours. » « Ceci étant dit, la lutte pour l’autodétermination a beaucoup de visages. Les médias, les nôtres comme les grandes chaînes, sont un outil puissant pour partager nos histoires, promouvoir l’entente, et réclamer que les gouvernements et nos propres autorités se responsabilisent », ajoute-t-il.

 

(Traduction : Frédérique Drouet)